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Page:Sade - Cahiers personnels, Adélaïde de Brunswick, Pauvert, 1966.djvu/220

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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK

— Il me semble que vous aimez la vie, dit-il à ses prisonnières. Je n’imaginais pas cependant qu’elle dût avoir tant d’attraits pour vous, dans l’affreuse situation où vous êtes. N’importe, je vous l’ai dit, vous êtes les maîtresses ; quelques mois de plus ou de moins ne sont pas d’une grande importance, et puisque vous aimez tant la vie, respirez-en tous les poisons.

Puis, passant avec elles dans le petit jardin :

— Eh quoi, dit-il barbarement, ces fosses ne sont pas même entrouvertes ? Si vous ne vous pressez de préparer un asile à vos dépouilles mortelles, je les laisserai dévorer aux corbeaux, ou j’en ferai la nourriture des poissons de l’étang.

— Cette considération est de peu d’importance pour nous, dit Adélaïde : que nos corps deviennent ce qu’ils voudront, quand ils ne seront plus animés du principe qui les fait mouvoir aujourd’hui. Ce qu’il y a de sûr, c’est que ce principe, quel qu’il soit, sera perpétuellement empreint de la haine qu’il doit à ses tyrans.

— Ce n’est pas l’épouse de Frédéric qui doit reprocher la tyrannie à ceux qui punissent celle de son mari.

— Jamais Frédéric ne fut un tyran. C’est un homme faible et crédule, trompé par ses ennemis, mais il y a loin de là à la tyrannie. Quoi qu’il en