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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


lement la perte que depuis la rigueur qu’il avait exercée envers elle.

— Mon prince, me permettez-vous de m’expliquer sur cela ? dit le commandant. Je ne crois pas qu’il soit sage d’employer jamais la rigueur avec les femmes : ce sexe doux et sensible ne veut être conduit qu’avec des chaînes de fleurs et il le mérite. Songez à l’empire qu’il obtient sur nous par sa douceur et par ses charmes : n’y aurait-il donc pas de l’injustice à vouloir imposer des fers à qui ne nous opprime que par des faveurs ? J’ai toutes les peines du monde à supposer des vices aux femmes. Je leur crois bien quelques faiblesses, mais considérons-les bien, ces faiblesses : ne sont-elles pas des vertus pour nous ? N’y gagnons-nous pas toujours infiniment plus que nous ne pouvons y perdre ? Pourquoi donc les punir de ce qui fait notre bonheur ? Observez de près tous leurs torts : vous verrez qu’ils sont presque toujours les nôtres, ou ceux auxquels nous les contraignons par les nôtres. Si vous m’accordez ce premier point, vous conviendrez que la punition que nous leur imposons n’est plus qu’une injustice : de ce moment, nous voilà à leur place, car l’injustice est une faiblesse ; et je vous demande alors si l’indulgence n’est pas due par nous aux défauts que nous avons nous-mêmes ?