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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


blissement dans cette ville, mais toutes vos dépenses y sont payées et vos malles sont ici.

— Et qui lui a donné le droit, je vous prie, de mettre ordre à mes affaires, de congédier mes gens et de payer mes dettes ? S’imagine-t-il m’acheter et m’asservir par des procédés aussi vils ? Dites-lui bien, monsieur, qu’il saura quelque jour si j’étais née pour recevoir de lui pareille grâce, et qu’il sera forcé à bien des excuses envers moi quand il connaîtra la femme qu’il humilie.

— Je crois que monseigneur réunit pour vous, madame, tous les sentiments de respect et d’amour qui peuvent exister dans un cœur tel que le sien. Il ne lui reste que le chagrin amer d’être payé par de l’ingratitude.

— Je ne puis en avoir avec lui, monsieur, puisque je n’accepte ni ne demande ses bienfaits.

— Je vais désespérer le margrave par des réponses aussi dures. Madame ne les adoucira-t-elle pas par un peu d’espoir ?

— Pourquoi voulez-vous que je le trompe ?

— Pour être un peu plus heureuse.

— Mais pourquoi mon bonheur dépendrait-il de lui ? Avait-il le droit d’interrompre celui dont je jouissais avant que de le connaître ?

— Ô madame, dit le gentilhomme avec un enthousiasme qu’il tâcha de déguiser, qu’une