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ISABELLE DE BAVIÈRE


yeux de celui auquel on s’adressait que des délations ou des arrêts de mort. Le père évitait son fils, le fils redoutait sa mère, les frères ne se voyaient qu’avec cette sorte de contrainte de deux ennemis qui se mesurent. La frayeur rompait jusqu’aux liens de l’amour, dans l’appréhension qu’ils ne fussent tissus que pour se perdre et se tromper réciproquement. Le pécheur même n’envisageait qu’un traître dans le ministre saint qui devait le réconcilier avec Dieu, n’osait plus s’approcher du tribunal de la pénitence. Pour redoubler cet effroi universel, on soudoyait des délateurs. Qui pouvait résister alors à la séduction d’une belle femme flattant à la fois la vengeance et l’ambition, tout en excitant les désirs ?

Dégagé de l’embarras de prouver ce qu’on avançait, quel vaste champ à la plus infâme calomnie ! Par des moyens dangereux et féroces, on ne rencontrait plus, en un mot, que des accusateurs sans probité et des victimes sans défense, et par conséquent toutes les horreurs qui naissent d’une aussi complète dépravation. Quel peuple livré à de tels vices ne perdrait pas pour jamais toutes les antiques vertus de ses pères ?

On sent bien que l’animosité ne pouvait que s’accroître quand la discorde avec tant d’art distillait partout ses poisons. On redoubla de soins :