yeux de celui auquel on s’adressait que des délations
ou des arrêts de mort. Le père évitait son
fils, le fils redoutait sa mère, les frères ne se voyaient
qu’avec cette sorte de contrainte de deux ennemis
qui se mesurent. La frayeur rompait jusqu’aux
liens de l’amour, dans l’appréhension qu’ils ne
fussent tissus que pour se perdre et se tromper
réciproquement. Le pécheur même n’envisageait
qu’un traître dans le ministre saint qui devait le
réconcilier avec Dieu, n’osait plus s’approcher du
tribunal de la pénitence. Pour redoubler cet effroi
universel, on soudoyait des délateurs. Qui pouvait
résister alors à la séduction d’une belle femme
flattant à la fois la vengeance et l’ambition, tout
en excitant les désirs ?
Dégagé de l’embarras de prouver ce qu’on avançait, quel vaste champ à la plus infâme calomnie ! Par des moyens dangereux et féroces, on ne rencontrait plus, en un mot, que des accusateurs sans probité et des victimes sans défense, et par conséquent toutes les horreurs qui naissent d’une aussi complète dépravation. Quel peuple livré à de tels vices ne perdrait pas pour jamais toutes les antiques vertus de ses pères ?
On sent bien que l’animosité ne pouvait que s’accroître quand la discorde avec tant d’art distillait partout ses poisons. On redoubla de soins :