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ISABELLE DE BAVIÈRE


ramper ; mes vues beaucoup plus grandes me font concevoir la noble ambition d’y vouloir tout conduire. Les oncles du roi me présentent de grands obstacles ; c’est avec raison que vous le faites observer : eh bien, nous les éloignerons, s’ils se font craindre. Le duc de Touraine, frère de Charles[1], jeune et plein d’ardeur, secondera nos desseins, j’en suis sûre ; il faut que je le fixe à moi. — Quel rival vous me faites redouter, Madame, dit Bois-Bourdon alarmé !

— Mon ami, répondit la reine, je vous ai prouvé mon amour ; mais ne vous attendez pas à me lier à vous, comme vous pourriez l’exiger d’une femme ordinaire. L’amour n’est à mes yeux qu’une faiblesse qui chez moi cédera toujours à l’intérêt et à l’ambition ; uniques penchants que vous devez nourrir dans mon cœur. Si de nouvelles liaisons mettent en jeu ces deux mobiles de mon âme, je les formerai, n’en doutez point, mais sans jamais cesser d’être à vous ; votre fortune n’en sera que plus rapide, et mes jouissances plus complètes. Tout le monde, dites-vous, prend dans cette cour, je m’en aperçois ; on s’y permet les plus honteuses déprédations : d’Anjou vient d’envahir toutes les économies de Charles V ; Bourgogne et Berri le

  1. Depuis, duc d’Orléans.