peur que les caprices de ces individus de l’un ou
l’autre sexe ne fassent finir le monde, qu’ils ne
mettent l’enchère à la précieuse espèce humaine,
et que leur prétendu crime ne l’anéantisse, faute
de procéder à sa multiplication ? Qu’on y réfléchisse
bien et l’on verra que toutes ces pertes
chimériques sont entièrement indifférentes à la
nature, que non seulement elle ne les condamne
point, mais qu’elle nous prouve par mille
exemples qu’elle les veut et qu’elle les désire ;
eh, si ces pertes l’irritaient, les tolérerait-elle
dans mille cas, permettrait-elle, si la progéniture
lui était si essentielle, qu’une femme ne pût y
servir qu’un tiers de sa vie et qu’au sortir de ses
mains la moitié des êtres qu’elle produit eussent
le goût contraire à cette progéniture néanmoins
exigée par elle ? Disons mieux, elle permet que
les espèces se multiplient, mais elle ne l’exige
point, et bien certaine qu’il y aura toujours plus
d’individus qu’il ne lui en faut, elle est loin de
contrarier les penchants de ceux qui n’ont pas
la propagation en usage et qui répugnent à s’y
conformer. Ah ! laissons agir cette bonne mère,
convainquons-nous bien que ses ressources sont
immenses, que rien de ce que nous faisons ne
l’outrage et que le crime qui attenterait à ses lois
ne sera jamais dans nos mains.
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HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX