— Je vais t’en ôter le pouvoir, ange divin, dit
Augustine en imprimant sa belle bouche sur les
lèvres de Franville, crie à présent, crie si tu
peux, et le souffle pur de ton haleine de rose
n’embrasera que plus tôt mon cœur. Franville
se défendait assez faiblement : il est difficile
d’être très en colère, quand on reçoit aussi tendrement
le premier baiser de tout ce qu’on adore.
Augustine encouragée attaquait avec plus de
force, elle y mettait cette véhémence qui n’est
réellement connue que des femmes délicieuses
entraînées par cette fantaisie. Bientôt les mains
s’égarent, Franville jouant la femme qui cède,
laisse également promener les siennes. Tous les
vêtements s’écartent, et les doigts se portent
presque en même temps où chacun croit
trouver ce qui lui convient… Alors Franville
changeant tout à coup de rôle : Oh juste ciel,
s’écrie-t-il, eh quoi, vous n’êtes qu’une femme…
— Horrible créature, dit Augustine en mettant
la main sur des choses dont l’état ne peut même
permettre l’illusion, quoi je ne me suis donné
tant de peine que pour trouver un vilain
homme… il faut que je sois bien malheureuse.
— En vérité pas plus que moi, dit Franville, en
se rajustant et témoignant le plus profond
mépris, j’emploie le déguisement qui peut séduire
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