heureux sacrifiés à ta rage ou à ton ineptie, voilà
les fantômes qui viennent troubler ton imagination,
n’est-ce pas ? Combien donnerais-tu maintenant
pour avoir été honnête homme toute ta
vie ! Puisse cette cruelle situation te servir de
quelque chose un jour, puisses-tu sentir d’avance
de quel poids affreux sont les remords, et qu’il
n’est pas une seule félicité mondaine de quelque
prix qu’elle nous ait paru, qui vaille la tranquillité
de l’âme et les jouissances de la vertu. — Mon
cher marquis, je vous demande pardon, dit le
président les larmes aux yeux, je suis un homme
perdu, ne me sacrifiez pas, je vous conjure, et
laissez-moi retourner près de votre chère sœur
que mon absence désole et qui ne vous pardonnera
jamais les maux où vous allez me livrer. —
Lâche, comme on a raison de dire que la poltronnerie
accompagne toujours la fausseté et la
trahison… Non, tu ne sortiras point, il n’est plus
temps de reculer, ma sœur n’a point d’autre dot
que ce château ; si tu veux en jouir, il faut le
purger des coquins qui le souillent. Vaincre ou
mourir, point de milieu. — Je vous demande
pardon, mon cher frère, il y a un milieu, c’est de
s’échapper fort vite en renonçant à toutes les
jouissances. — Vil poltron, c’est donc ainsi que
tu chéris ma sœur, tu aimes mieux la voir lan-
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LE PRÉSIDENT MYSTIFIÉ
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