Page:Sade - Historiettes contes et fabliaux, 1926.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA MARQUISE DE TELÊME
227


souvent l’écrasent de leur luxe, ou avec des supérieurs qui le ravalent autant qu’ils le peuvent, il n’y joue que le rôle d’un esclave pendant qu’il peut être souverain chez lui.

Quoiqu’il en soit, le marquis de Telême nullement connu dans la capitale, et ne voulant pas s’abaisser à demander des lettres de recommandation à l’intendant de sa province, imagina que sa femme avec une jolie figure, un beau nom et de l’argent, avait tout ce qu’il fallait pour réussir, et c’est en cet état de choses que la jeune marquise était arrivée où nous l’avons dit. Dès le lendemain elle envoie chercher un procureur, elle lui raconte son affaire, elle lui avoue le peu de ressource qu’elle a du côté des protections ; mais elle promet de bien payer si on lui fait gagner un procès aussi juste et aussi important pour elle. L’adversaire de Mme de Telême n’était plus à Paris : content d’avoir réussi par ses fraudes, il était reparti pour le Poitou et s’occupait déjà à rentrer dans les biens qu’il prétendait lui appartenir.

La classe opulente des libertins de Paris n’est jamais sans avoir des agents dans tous les états ; l’ordre des procureurs est pour elle bien moins à négliger qu’on ne pense : une foule de veuves et d’orphelins tombant journellement dans leurs