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LA MARQUISE DE TELÊME
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être obligée de s’en retourner à pied dans sa province près d’un mari qui sûrement la traiterait fort mal, ne voyant plus en elle qu’une femme qui l’avait ruiné ; peut-être vaudrait-il mieux que Mme de Telême épargnât le peu d’argent qui lui restait et s’en retournât à Poitiers, sans seulement entamer une maudite affaire qui demandait des sommes immenses et des protections infinies… Notre intéressante héroïne versa des larmes pour toute réponse… mais un homme qui a le malheur de porter une robe noire et de vivre des dissensions publiques s’attendrit-il jamais à des larmes ? les plus belles femmes de France en inonderaient ses pieds qu’il ne s’en occuperait pas moins de ses coquineries, de son avarice ou de sa lubricité… C’est une cuirasse que cette comique jaquette ; on ferait plutôt repleuvoir la manne du ciel qu’on ne trouverait une âme honnête dans aucun des malheureux individus qui ont le malheur de la porter, quel que soit le titre qui les décore. — Cependant, madame, continua Saint-Verac, si vous vous y obstinez, nous plaiderons, mais je ne vous réponds de rien… confiez-moi d’abord l’état de vos fonds. — Hélas, monsieur, répondit la marquise, tout ce que nous avons pu faire est cinq cents louis ; mon mari qui n’a de fortune que la