ne m’entendez-vous point, je suis ivre d’amour,
je ne peux plus me contenir. — Et si cette
femme est laide ? — Il est impossible de l’être
avec des attraits si divins. — Si elle est… —
Qu’elle soit tout ce qu’elle voudra, je vous le dis,
mon cher, je ne peux plus y résister. — Allons
donc, terrible ami, allons donc, satisfaites-vous
puisqu’il le faut : me saurez-vous au moins gré
de ma complaisance ? — Ah ! le plus grand sans
doute. Et Dutour repoussait doucement son ami
de la main comme pour l’engager à le laisser
seul avec cette femme. — Oh ! pour vous quitter,
non, je ne le puis, dit Raneville, mais êtes-vous
donc si scrupuleux que vous ne puissiez vous
contenter en ma présence ? entre hommes on ne
fait point de ces façons-là : au reste ce sont mes
clauses, ou devant moi, ou point. — Fût-ce devant
le diable, dit Dutour, ne se contenant plus
et se précipitant au sanctuaire où son encens va
se brûler, vous le voulez, je consens à tout… —
Eh bien, disait flegmatiquement Raneville, les
apparences vous ont-elles trompé, et les douceurs
promises par autant de charmes sont-elles
illusoires ou réelles… ah ! jamais, jamais je ne
vis rien de si voluptueux. — Mais ce maudit
voile, ami, ce voile perfide, ne me sera-t-il pas
permis de l’enlever ? — Si fait… au dernier mo-
Page:Sade - Historiettes contes et fabliaux, 1926.djvu/272
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
254
HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX