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HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX


petits ménages ; sans le démon qui s’en mêla, je suis sûr qu’on les aurait cités comme des exemples à toute la Champagne.

Ne riez point, lecteur, non, ne riez point de ce mot exemple ; au défaut de la vertu, le vice bien décent et bien caché peut servir de modèle : n’est-il pas aussi heureux qu’adroit de pécher sans scandaliser son prochain, et dans le fait de quel danger peut être le mal quand il n’est pas su ? Voyons — décidez — cette petite conduite toute irrégulière qu’elle était, ne se trouve-t-elle pourtant pas préférable au tableau que les mœurs actuelles peuvent nous offrir ; n’aimez-vous pas mieux le sire de Longeville duement étendu sans bruit dans les deux jolis bras de sa jolie fermière, et sa respectable épouse au sein d’un beau meunier dont personne ne sait le bonheur, qu’une de nos duchesses parisiennes changeant publiquement de sigisbés tous les mois, ou se livrant à ses valets, pendant que monsieur mange deux cent mille écus par an avec une de ces méprisables créatures que déguise le luxe, qu’avilit la naissance et que la v. corrompt ? Je le dis donc, sans la discorde dont les poisons distillèrent bientôt sur ces quatre favoris de l’amour, rien de plus doux et de plus sage que leur joli petit arrangement.