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LA CHÂTELAINE DE LONGEVILLE
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Mais le sire de Longeville qui avait comme beaucoup d’époux injustes la cruelle prétention d’être heureux et de ne pas vouloir que sa femme le fût, le sire de Longeville qui s’imaginait comme les perdrix que personne ne le voyait parce qu’il avait la tête à couvert, découvrit l’intrigue de sa femme, et la trouva mauvaise, comme si sa conduite à lui n’autorisait pas pleinement celle qu’il s’avisait de blâmer.

De la découverte à la vengeance il n’y a pas loin dans un esprit jaloux. M. de Longeville se résolut donc de ne rien dire, et de se débarrasser du drôle qui flétrissait son front ; être cocu, se disait-il tout seul, par un homme de mon rang, soit… mais par un meunier, oh monsieur Colas, vous aurez la bonté s’il vous plaît d’aller moudre à d’autre moulin, il ne sera pas dit que celui de ma femme s’ouvre davantage à votre semence. Et comme la haine de ces petits despotes suzerains était toujours fort cruelle, comme ils abusaient souvent du droit de vie et de mort que les lois féodales leur accordaient sur leurs vassaux, M. de Longeville ne se résolut à rien moins qu’à faire jeter le pauvre Colas dans les fossés pleins d’eau qui environnaient son habitation.

Clodomir, dit-il un jour à son maître queulx, il faut que tes garçons et toi me débarrassiez