Page:Sade - Historiettes contes et fabliaux, 1926.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA CHÂTELAINE DE LONGEVILLE
287


sait beaucoup sa patronne et qui peut-être aspirait à partager un jour ses faveurs avec le meunier, se livrant plutôt au sentiment que lui inspirait sa maîtresse qu’à la jalousie qui eût dû le rendre enchanté du malheur de son rival, courut donner avis de tout ce qui venait de se tramer, et en fut récompensé d’un baiser et de deux beaux écus d’or qui valaient moins pour lui que le baiser.

Assurément, dit Mme de Longeville dès qu’elle fut seule avec celle de ses femmes qui servait son intrigue, c’est un homme bien injuste que monseigneur… eh quoi, il fait ce qu’il veut, je ne dis mot, et il trouve mauvais que je me dédommage de tous les jours de jeûne qu’il me fait faire. Ah ! je ne le souffrirai pas, ma mie, je ne le souffrirai pas. Écoute, Jeannette, es-tu fille à me servir dans le projet que j’invente et pour sauver Colas, et pour attraper monseigneur ? — Assurément, madame n’a qu’à ordonner, je ferai tout : c’est un si brave enfant que ce pauvre Colas, je n’ai vu à nul autre garçon des reins si doubles et des couleurs si fraîches. Oh oui, madame, oh oui, je vous servirai, que faut-il faire ? — Il faut dès ce moment même, dit la dame, que tu ailles avertir Colas de ne point paraître au château que je ne le