rue Quincampoix. Rosette, quoique un peu
niaise, avait pourtant dix-huit ans faits, une
figure charmante, blonde, de jolis yeux bleus, la
peau à éblouir, et une gorge sous un peu de gaze
annonçant à tout connaisseur que ce que la jeune
fille tenait à couvert valait bien au moins ce qu’on
apercevait… La séparation ne s’était pas faite
sans larmes : c’était le premier soir que le bon
papa quittait sa fille ; elle était sage, elle était
très en état de se conduire, elle allait chez un
bon parent, elle devait revenir à Pâques, tout cela
devenait sans doute des motifs de consolation,
mais Rosette était bien jolie, Rosette était bien
confiante et elle allait dans une ville bien dangereuse
pour le beau sexe de province y débarquant
avec de l’innocence et beaucoup de vertu. Cependant
la belle part, munie de tout ce qu’il lui faut
pour briller à Paris dans sa petite sphère, et de
plus d’une assez grande quantité de bijoux et de
présents pour l’oncle Mathieu et les cousines ses
filles ; on recommande Rosette au cocher, le père
l’embrasse, le cocher fouette, et chacun pleure de
son côté ; mais il s’en faut bien que l’amitié des
enfants soit aussi tendre que celle de leurs
pères : la nature a permis que les premières trouvassent
dans les plaisirs dont ils s’enivrent, des
sujets de dissipation faits pour les éloigner invo-
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