Page:Sade - Historiettes contes et fabliaux, 1926.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
26
HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX


ne le jamais perdre de vue et de faire absolument tout ce qu’on lui verrait faire. L’ambassadeur s’arrête au milieu du cours où il était arrangé que l’on le rencontrerait ; le matelot s’incline et peu accoutumé à avoir une si belle perruque sur le crâne, de la courbette, il fait voler la tignasse aux pieds de Son Excellence ; messieurs les magistrats qui avaient promis d’imiter, mettent à l’instant leur perruque bas et courbent avec bassesse vers le Persan leurs crânes pelés et peut-être même un peu galeux ; le matelot sans s’étonner, ramasse ses cheveux, se recoiffe, et entonne le compliment ; il s’exprimait si bien, que l’ambassadeur le crut de son pays ; cette idée le mit en colère. Malheureux, s’écria-t-il, en portant la main sur son sabre, tu ne parlerais pas ainsi ma langue si tu n’étais un renégat de Mahomet ; il faut que je te punisse de ta faute, il faut que tu la payes aussitôt de ta tête. Le pauvre matelot avait beau se défendre, on ne l’écoutait point ; il gesticulait, il jurait, et pas un de ses mouvements n’était perdu, tous se répétaient à l’instant avec énergie par la troupe aréopagite dont il était suivi. Enfin ne sachant plus comment se tirer d’affaire, il imagine une preuve sans réplique, c’est de déboutonner sa culotte, et de mettre aux yeux de l’ambassadeur