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LES HARANGUEURS PROVENÇAUX
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la preuve constante que de ses jours il n’avait été circoncis. Ce nouveau geste est à l’instant imité, et voilà tout d’un coup quarante ou cinquante magistrats provençaux, la brayette à bas et le prépuce en main, prouvant ainsi que le matelot, qu’il n’en est aucun d’eux, qui ne soit chrétien comme saint Christophe. L’on imagine aisément si les dames qui considéraient la cérémonie de leurs fenêtres durent rire d’une telle pantomime. Enfin le ministre convaincu par des raisons si peu équivoques, voyant bien que son harangueur n’était pas coupable et que du reste il était dans une ville de pantalons, passe outre en levant les épaules et se disant sans doute intérieurement : Je ne m’étonne pas que ces gens-là aient toujours un échafaud dressé, le rigorisme accompagnant toujours l’ineptie doit être le partage de ces animaux-là.

On voulut faire un tableau de cette nouvelle manière de dire son catéchisme, il avait déjà été dessiné d’après nature par un jeune peintre, mais la cour bannit l’artiste de la province, et condamna le dessin au feu, sans se douter qu’ils se faisaient brûler eux-mêmes puisque leur portrait était sur le dessin. Nous voulons bien être des imbéciles, dirent ces graves magistrats ; ne le voulussions-nous même pas, il y a