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HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX


propose à son hôte un tour de promenade, celui-ci accepte et nos deux philosophes sortent du château ; on était dans une saison de travail où tous les paysans sont dans la campagne ; quelques-uns, voyant M. de Vaujour se démener tout seul, s’imaginent que la tête lui a tourné, et vont avertir madame, mais personne ne répondant au château, ces bonnes gens reviennent sur leurs pas et continuent d’examiner leur seigneur qui, s’imaginant causer d’action avec quelqu’un, gesticulait comme il est assez d’usage en pareil cas ; enfin nos deux savants gagnent une espèce de promenade en cul-de-sac, dont on ne pouvait sortir qu’en revenant sur ses pas. Trente paysans pouvaient voir, trente furent interrogés, et trente répondirent que M. de Vaujour était entré seul en gesticulant sous cette espèce de berceau.

Au bout d’une heure, la personne avec laquelle il se croit, lui dit : Eh quoi, baron, tu ne me reconnais pas, oublies-tu donc le vœu de ta jeunesse, oublies-tu la façon dont je l’ai accompli ? Le baron frémit. — Ne crains rien, lui dit l’esprit avec lequel il s’entretient, je ne suis pas maître de ta vie, mais je le suis de te retirer et mes dons, et tout ce qui t’est cher ; retourne en ta maison, tu verras en quel état elle est, tu y