Page:Sade - Historiettes contes et fabliaux, 1926.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
68
HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX


l’aventure d’hier n’a fait aucun bruit, et si vous n’en avez éprouvé nulle peine ? Je l’assurai que non, je lui dis que j’avais profité de ses conseils, que je l’en remerciais et que je me flattais que rien ne dérangerait le plaisir que je prenais à venir ainsi respirer le matin. Si vous y trouvez quelques charmes, mademoiselle, reprit M. de … avec le ton le plus honnête, ceux qui ont le bonheur de vous y rencontrer en éprouvent de plus vifs sans doute, et si j’ai pris la liberté de vous conseiller hier de ne rien hasarder de ce qui pourrait déranger vos promenades, en vérité vous ne m’en devez point de reconnaissance : j’ose vous assurer, mademoiselle, que j’ai moins travaillé pour vous que pour moi. Et ses regards, en disant cela, se tournaient vers les miens avec tant d’expression… oh monsieur, fallait-il que ce fût à cet homme si doux que je dusse un jour mes malheurs ! Je répondis honnêtement à son propos, la conversation s’engagea, nous fîmes deux tours ensemble et M. de … ne me quitta point sans me conjurer de lui apprendre à qui il était assez heureux pour avoir rendu service la veille ; je ne crus pas devoir le lui cacher, il me dit de même qui il était et nous nous séparâmes. Pendant près d’un mois, monsieur, nous n’avons cessé de nous voir ainsi presque