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ÉMILIE DE TOURVILLE
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fatale maison ; j’éprouvais une sorte de répugnance à chaque degré que je montais, tout semblait me dire : Où vas-tu, malheureuse, éloigne-toi de ces lieux perfides… Nous arrivâmes pourtant, nous entrâmes dans une assez belle antichambre où nous ne trouvâmes personne et de là dans un salon qui se referma aussitôt sur nous, comme s’il y eût eu quelqu’un de caché derrière la porte… Je frémis, il faisait très sombre dans ce salon, à peine y voyait-on à se conduire ; nous n’y eûmes pas fait trois pas, que je me sentis saisie par deux femmes, alors un cabinet s’ouvrit et j’y vis un homme d’environ cinquante ans au milieu de deux autres femmes qui crièrent à celles qui m’avaient saisie : Déshabillez-la, déshabillez-la et ne l’amenez ici que toute nue. Revenue du trouble où j’étais quand ces femmes avaient mis la main sur moi, et voyant que mon salut dépendait plutôt de mes cris que de mes frayeurs, j’en poussai d’épouvantables. La Berceil fit tout ce qu’elle pût pour me calmer. — C’est l’affaire d’une minute, mademoiselle, disait-elle, un peu de complaisance, je vous en conjure, et vous me faites gagner cinquante louis. — Mégère infâme, m’écriai-je, n’imagine pas trafiquer ainsi de mon honneur, je vais m’élancer par les fenêtres si tu ne me fais