notre démarche, nous avoir suivies, et s’il l’avait
fait, n’étais-je une fille perdue ? La Berceil, aussi
inquiète que moi, interrogea tout le monde, on
lui dit que M. de … était venu trois minutes
après que nous avions été sorties, qu’il avait
paru fort inquiet, qu’il s’était retiré sur le champ
et qu’il était revenu écrire ce billet peut-être une
demi-heure ensuite. Plus inquiète encore, j’envoyai
chercher une voiture… mais croiriez-vous,
monsieur, jusqu’à quel point d’effronterie cette
indigne femme osa porter le vice ? Mademoiselle,
me dit-elle en me voyant partir, ne dites jamais
mot de ceci, je ne cesse de vous le recommander,
mais si malheureusement vous venez à vous
brouiller avec M. de …, croyez-moi, profitez de
votre liberté pour faire des parties, cela vaut bien
mieux qu’un amant ; je sais que vous êtes une
demoiselle comme il faut, mais vous êtes jeune,
on vous donne sûrement très peu d’argent, et
jolie comme vous êtes, je vous en ferai gagner
tant que vous voudrez… Allez, allez, vous n’êtes
pas la seule, et il y en a telles qui font bien
les huppées, qui épousent, comme vous pourrez
faire un jour, des comtes ou des marquis, et qui
soit d’elles-mêmes, soit par l’entremise de leur
gouvernante, nous ont passé par les mains
comme vous ; nous avons des gens exprès pour
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ÉMILIE DE TOURVILLE
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