Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/103

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qu’ils ſe rapprochaient un peu trop de cette nonchalance, de cette moleſſe qui n’appartient qu’aux femmes ; il ſemblait qu’en lui prêtant les attributs de ce ſexe, la Nature lui en eût également inſpiré les goûts… Quelle ame, cependant était enveloppée ſous ces appas féminins ! On y rencontrait tous les vices qui caractériſent celle des ſcélérats : on ne porta jamais plus loin la méchanceté, la vengeance, la cruauté, l’athéiſme, la débauche, le mépris de tous les devoirs & principalement de ceux dont la Nature parait nous faire des délices. Au milieu de tous ſes torts M. de Bressac avait principalement celui de déteſter ſa tante. La Marquiſe faiſait tout au monde pour ramener ſon neveu aux ſentiers de la vertu ; peut-être y employait-elle trop de rigueur ; il en réſultait que le Comte plus enflammé, par les effets mêmes de cette ſévérité, ne ſe livrait à ſes goûts que plus impétueuſement encore, & que la pauvre Marquise ne retirait de ſes perſécutions que de ſe faire haïr davantage.

Ne vous imaginez pas, me diſait très-ſouvent le Comte, que ce ſoit d’elle-même que ma tante agiſſe dans tout ce qui vous concerne, Théreſe ; croyez que ſi je ne la perſécutais à tout inſtant, elle ſe reſſouviendrait à peine des ſoins qu’elle vous a promis. Elle vous fait valoir tous ſes pas, tandis qu’ils ne ſont que mon ſeul ouvrage : oui, Théreſe, oui, c’eſt à moi ſeul que vous devez de la

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