Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/104

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reconnoiſſance, & celle que j’exige de vous, doit vous paraître d’autant plus déſintéreſſée que quelque jolie que vous puiſſiez être, vous savez bien que ce n’eſt pas à vos faveurs que je prétends ; non, Théreſe, les ſervices que j’attends de vous, ſont d’un tout autre genre, & quand vous ſerez bien convaincue de ce que j’ai fait pour votre tranquillité, j’eſpère que je trouverai dans votre ame ce que je ſuis en droit d’en attendre.

Ces diſcours me paraiſſaient ſi obſcurs que je ne ſavais comment y répondre ; je le faiſais pourtant à tout haſard, & peut-être avec trop de facilité. Faut-il vous l’avouer ? Hélas ! oui ; vous déguiſer mes torts ſerait tromper votre confiance & mal répondre à l’intérêt que mes malheurs vous ont inſpiré. Apprenez donc, Madame, la ſeule faute volontaire que j’aye à me reprocher… Que dis-je une faute ? une folie, une extravagance… qui n’eut jamais rien d’égal ; mais au moins ce n’eſt pas un crime, c’eſt une ſimple erreur, qui n’a puni que moi, & dont il ne paraît point que la main équitable du Ciel ait dû ſe ſervir pour me plonger dans l’abîme qui s’ouvrit peu après ſous mes pas. Quels que euſſent été les indignes procédés du Comte de Bressac pour moi le premier jour où je l’avais connu, il m’avait cependant été impoſſible de le voir ſans me ſentir entraînée vers lui par un mouvement de tendresse que rien n’avait pu vaincre, Malgré toutes mes réflexions