Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/114

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chez un petit nombre d’individus ; laiſſer les autres dans l’erreur, & les punir d’y être reſtés… Eh ! non, Théreſe, non, non, toutes ces atrocités-là ne ſont pas faites pour nous guider : j’aimerais mieux mourir mille fois que de les croire. Quand l’athéïſme voudra des martyrs, qu’il les déſigne, & mon ſang eſt tout prêt. Déteſtons ces horreurs, Théreſe ; que les outrages les mieux conſtatés cimentent le mépris qui leur eſt ſi bien dû… À peine avais-je les yeux ouverts, que je les déteſtais ces rêveries groſſieres ; je me fis dès-lors une loi de les fouler aux pieds, un ſerment de n’y plus revenir ; imite-moi, ſi tu veux être heureuſe ; déteſte, abjure, profane ainſi que moi & l’objet odieux de ce culte effrayant, & ce culte lui-même, créé pour des chimères, fait, comme elles, pour être avili de tout ce qui prétend à la ſageſſe.

Oh ! Monſieur, répondis-je en pleurant, vous priveriez une malheureuse de ſon plus doux eſpoir, ſi vous flétriſſiez dans ſon cœur cette religion qui la conſole. Fermement attachée à ce qu’elle enſeigne ; abſolument convaincue que tous les coups qui lui ſont portés, ne ſont que les effets du libertinage & des paſſions, irai-je ſacrifier à des blaſphêmes, à des ſophiſmes qui me font horreur, la plus chère idée de mon eſprit, le plus doux aliment de mon cœur. J’ajoutais mille autres raiſonnemens à cela dont le Comte ne faiſait