Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/113

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examinateur & philoſophe ? Le ſage peut-il voir autre choſe dans ce ramas de fables épouvantables, que le fruit dégoûtant de l’impoſture de quelques hommes & de la fauſſe crédulité d’un plus grand nombre ; ſi Dieu avait voulu que nous euſſions une religion quelconque, & qu’il fût réellement puiſſant ; ou, pour mieux dire, s’il y avait réellement un Dieu, ſerait-ce par des moyens auſſi abſurdes qu’ils nous eût fait part de ſes ordres ? Serait-ce par l’organe d’un bandit méprisable, qu’il nous eût montré comme il fallait le ſervir ? S’il eſt ſuprême, s’il eſt puiſſant, s’il eſt juſte, s’il eſt bon, ce Dieu dont vous me parlez, ſera-ce par des énigmes & des farces qu’il voudra m’apprendre à le servir & à le connaître ? Souverain moteur des aſtres & du cœur de l’homme, ne peut-il nous inſtruire en ſe ſervant des uns, ou nous convaincre en ſe gravant dans l’autre ? Qu’il imprime un jour en traits de feu, au centre du Soleil, la loi qui peut lui plaire & qu’il veut nous donner ; d’un bout de l’univers à l’autre, tous les hommes la liſant, la voyant à-la-fois, deviendront coupables s’ils ne la ſuivent pas alors. Mais n’indiquer ſes déſirs que dans un coin ignoré de l’Aſie ; choiſir pour ſpectateurs le peuple le plus fourbe & le plus viſionnaire ; pour ſubſtitut, le plus vil artiſan, le plus abſurde, & le plus fripon ; embrouiller ſi bien la doctrine, qu’il eſt impoſſible de la comprendre ; en abſorber la connaiſſance

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