peu-à-peu l’air de ne plus ſavoir qu’y répondre :
Bressac me crut vaincue ; je légitimai ma faibleſſe
par la puiſſance de ſon art, je me rendis à la fin. Le
Comte s’élance dans mes bras. Que ce mouvement
m’eût comblée d’aiſe, s’il eût eu une autre cauſe !…
Que dis-je ? il n’était plus tems : ſon horrible conduite,
ſes barbares deſſeins avaient anéanti tous les
ſentimens que mon faible cœur oſait concevoir,
& je ne voyais plus en lui qu’un monſtre… Tu
es la premiere femme que j’embraſſe, me dit le
Comte, & en vérité, c’eſt de toute mon ame…
Tu es délicieuſe, mon enfant ; un rayon de ſageſſe
a donc pénétré ton eſprit ! Eſt-il poſſible que
cette tête charmante ſoit ſi longtems reſtée dans les
ténébres ; & enſuite nous convinmes de nos faits.
Dans deux ou trois jours, plus ou moins, ſuivant
la facilité que j’y trouverais, je devais jetter un
petit paquet de poiſon, que me remit Bressac,
dans la taſſe de chocolat que Madame avait coutume
de prendre le matin. Le Comte me garantiſſait
de toutes les ſuites, & me remettait un contrat
de deux mille écus de rente, le jour même
de l’exécution ; il me ſigna ces promeſſes ſans caractériſer
ce qui devait m’en faire jouir, & nous
nous ſéparames.
Il arriva ſur ces entrefaites quelque choſe de trop ſingulier, de trop capable de vous dévoiler l’ame atroce du monſtre auquel j’avais affaire pour que je n’interrompe pas une minute, en vous