Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/125

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le diſant, le récit que vous attendez ſans doute du dénouement de l’aventure où je m’étais engagée.


Le ſurlendemain de notre pacte criminel, le Comte apprit qu’un oncle ſur la ſucceſſion duquel il ne comptait nullement, venait de lui laiſſer quatre-vingt mille livres de rente… Oh ! Ciel, me dis-je en apprenant cette nouvelle, eſt-ce donc ainſi que la juſtice céleſte punit le complot des forfaits !… Et me repentant bientôt de ce blaſphème envers la Providence, je me jette à genoux, j’en demande pardon, & me flatte que cet événement inattendu va dumoins changer les projets du Comte… Quelle était mon erreur ! Oh ! ma chère Théreſe, me dit-il en accourant le même ſoir dans ma chambre, comme les proſpérités pleuvent ſur moi ! Je te l’ai dit ſouvent, l’idée d’un crime ou ſon exécution, eſt le plus ſur moyen d’attirer le bonheur ; il n’en n’eſt plus que pour les ſcélérats. — Eh ! quoi, Monſieur, répondis-je, cette fortune ſur laquelle vous ne comptiez pas, ne vous décide point à attendre patiemment la mort que vous voulez hâter ? — Attendre, reprit bruſquement le Comte, je n’attendrais pas deux minutes, Théreſe, ſonges-tu que j’ai vingt-huit ans, & qu’il eſt dur d’attendre à mon âge ?… Non, que ceci ne change rien à nos projets, je t’en ſupplie, & donne-moi la conſolation de voir ter-