Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/126

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miner tout, avant l’époque de notre retour à Paris… Demain, après demain au plus tard… Il me tarde déjà de te compter un quartier de tes rentes… de te mettre en poſſeſſion de l’acte qui te les aſſure… Je fis de mon mieux pour déguiſer l’effroi que m’inſpirait cet acharnement, & je repris mes réſolutions de la veille, bien perſuadée que ſi je n’exécutais pas le crime horrible dont je m’étais chargée, le Comte s’apperçevrait bientôt que je le jouais, & que ſi j’avertiſſais Madame de Bressac, quelque parti que lui fît prendre la révélation de ce projet, le jeune Comte ſe voyant toujours trompé, adopterait promptement des moyens plus certains, qui faiſant également périr la tante, m’expoſaient à toute la vengeance du neveu. Il me reſtait la voie de la juſtice, mais rien au monde n’aurait pu me réſoudre à la prendre ; je me déterminai donc à prévenir la Marquiſe ; de tous les partis poſſibles celui-là me parut le meilleur & je m’y livrai.

Madame, lui dis-je le lendemain de ma dernière entrevue avec le Comte, j’ai quelque choſe de la plus grande importance à vous révéler, mais à quelque point que cela vous intéreſſe, je ſuis décidée au ſilence, ſi vous ne me donnez, avant, votre parole d’honneur de ne témoigner aucun reſſentiment à Monſieur votre neveu de ce qu’il a l’audace de projetter… Vous agirez, Madame, vous prendrez les meilleurs moyens, mais vous