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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/146

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ſieurs jours ſuffiſans à diſtinguer tout ce qui ſe paſſe dans la chambre voiſine.

À peine ſommes-nous poſtées que Rodin entre, conduiſant avec lui une jeune fille de quatorze ans, blonde & jolie comme l’Amour ; la pauvre créature toute en larmes, trop malheureuſement au fait de ce qui l’attend, ne ſuit qu’en gémiſſant ſon dur inſtituteur, elle ſe jette à ſes pieds, elle implore ſa grace, mais Rodin inflexible allume dans cette ſévérité même les premieres étincelles de ſon plaiſir, elles jailliſſent déjà de ſon cœur, par ſes regards farouches… Oh non, non, s’écrie-t-il, non, non, voilà trop de fois que cela vous arrive, Julie, je me repens de mes bontés, elles n’ont ſervi qu’à vous plonger dans de nouvelles fautes, mais la gravité de celle-ci pourrait-elle même me laiſſer uſer de clémence, à ſuppoſer que je le vouluſſe ?… Un billet donné à un garçon en entrant en claſſe ! — Monſieur, je vous proteſte que non ! — Oh je l’ai vu, je l’ai vu. — N’en crois rien, me dit ici Roſalie, ce ſont des fautes qu’il controuve pour conſolider ſes prétextes ; cette petite créature eſt un Ange, c’eſt parce qu’elle lui réſiſte qu’il la traite avec dureté ; & pendant ce temps, Rodin très-ému, ſaiſit les mains de la jeune fille, il les attache en l’air à l’anneau d’un pilier placé au milieu de la chambre de correction. Julie n’a plus de défenſe… plus d’autre… que ſa belle tête languiſſamment