Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/163

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dont il a eu à ſe plaindre ; donc tout le monde dans une ſociété criminelle, ſe trouve ou très-heureux, ou dans un état d’inſouciance qui n’a rien de pénible ; par conſéquent rien de bon, rien de reſpectable, rien de fait pour rendre heureux dans ce qu’on appelle la vertu. Que ceux qui la ſuivent ne s’enorgueilliſſent donc pas, de cette ſorte d’hommage que le genre de conſtitution de nos ſociétés nous force à lui rendre ; c’eſt une affaire purement de circonſtances, de convention ; mais dans le fait, ce culte eſt chimérique, & la vertu qui l’obtient un inſtant, n’en eſt pas pour cela plus belle.

Telle était la logique infernale des malheureuſes paſſions de Rodin ; mais Roſalie plus douce & bien moins corrompue, Roſalie déteſtant les horreurs auxquelles elle était ſoumiſe, ſe livrait plus docilement à mes avis : je déſirais avec ardeur lui faire remplir ſes premiers devoirs de Religion ; il aurait fallu pour cela mettre un prêtre dans la confidence, & Rodin n’en voulait aucun dans ſa maiſon, il les avait en horreur comme le culte qu’ils profeſſaient : pour rien au monde, il n’en eût ſouffert un près de ſa fille ; conduire cette jeune perſonne à un Directeur, était également impoſſible ; Rodin ne laiſſait jamais ſortir Roſalie ſans qu’elle fût accompagnée : il fallut donc attendre que quelqu’occaſion ſe préſentât ; & pendant ces délais, j’inſtruiſais cette jeune per-

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