Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/185

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fait cinq lieues, & je ne voyais encore rien s’offrir, lorſque l’Aſtre ayant abſolument ceſſé d’éclairer l’univers, il me ſembla ouïr le ſon d’une cloche… J’écoute, je marche vers le bruit, je me hâte, le ſentier s’élargit un peu, j’apperçois enfin quelques haies, & bientôt après le Couvent ; rien de plus agreſte que cette ſolitude, aucune habitation ne l’avoiſinait, la plus prochaine était à ſix lieues, & des bois immenſes entouraient la maiſon de toutes parts ; elle était ſituée dans un fond, il m’avait fallu beaucoup deſcendre pour y arriver, & telle était la raiſon qui m’avait fait perdre le clocher de vue, dès que je m’étais trouvée dans la plaine ; la cabane d’un Jardinier touchait aux murs du Couvent ; c’était là que l’on s’adreſſait avant que d’entrer. Je demande à cette eſpèce de portier, s’il eſt permis de parler au Supérieur ; il s’informe de ce que je lui veux ; je fais entendre qu’un devoir de religion m’attire dans cette pieuſe retraite, & que je ſerais bien conſolée de toutes les peines que j’ai priſes pour y parvenir, ſi je pouvais me jetter un inſtant aux pieds de la miraculeuſe Vierge & des ſaints eccléſiaſtiques dans la maiſon deſquels cette divine image ſe conſerve. Le Jardinier ſonne, & pénétre au Couvent ; mais comme il était tard & que les peres ſoupaient, il eſt quelque temps à revenir. Il reparaît enfin avec un des Religieux : — Mademoiſelle, me dit-il, voilà Dom Clément,