Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/192

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quelle inconſéquence pourtant dans les opérations de la Nature, puiſqu’avec la bizarre fantaiſie de ne choiſir que des ſentiers, ce monſtre était pourvu de facultés tellement giganteſques, que les routes même les plus battues lui euſſent encore paru trop étroites.

Pour Clément ſon eſquiſſe eſt déjà faite. Joignez à l’extérieur que j’ai peint, de la férocité, de la taquinerie, la fourberie la plus dangereuſe, de l’intempérance en tous points, l’eſprit ſatyrique & mordant, le cœur corrompu, les goûts cruels de Rodin avec ſes écoliers, nuls ſentimens, nulle délicateſſe, point de Religion ; un tempérament ſi uſé qu’il était depuis cinq ans hors d’état de ſe procurer d’autres jouiſſances que celles dont ſa barbarie lui donnait le goût, & vous aurez de ce vilain homme la plus complette image.

Antonin, le troiſième acteur de ces déteſtables orgies, était âgé de quarante ans ; petit, mince, très-vigoureux, auſſi redoutablement organiſé que Sévérino & preſqu’auſſi méchant que Clément ; enthouſiaſte des plaiſirs de ce confrere, mais s’y livrant au moins dans une intention moins féroce ; car ſi Clément, uſant de cette bizarre manie, n’avait pour but que de vexer, que de tyranniſer une femme, ſans en pouvoir autrement jouir, Antonin s’en ſervant avec délices dans toute la pureté de la Nature, ne mettait la flagellante épiſode

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