Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/196

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le plus grand de tous, pour une fille vertueuſe, manquait pourtant encore à la liſte de vos infortunes. N’était-il pas temps que cette fiere vertu fît naufrage, & peut-on être encore preſque Vierge à vingt-deux ans ? Vous voyez des compagnes qui, comme vous, en entrant, ont voulu réſiſter & qui, comme vous allez prudemment faire, ont fini par ſe ſoumettre, quand elles ont vu que leur défenſe ne pouvait les conduire qu’à de mauvais traitemens ; car il eſt bon de vous le déclarer, Théreſe, continua le Supérieur, en me montrant des diſciplines, des verges, des férules, des gaules, des cordes & mille autres ſortes d’inſtrumens de ſupplice… Oui, il eſt bon que vous le ſachiez : voilà ce dont nous nous ſervons avec les filles rébelles ; voyez ſi vous avez envie d’en être convaincue. Au reſte que réclameriez-vous ici ? L’équité ? nous ne la connaiſſons pas ; l’humanité ? notre ſeul plaiſir eſt d’en violer les loix ; la Religion ? elle eſt nulle pour nous, notre mépris pour elle s’accroît en raiſon de ce que nous la connaiſſons davantage ; des parens,… des amis,… des Juges ? il n’y a rien de tout cela dans ces lieux, chere fille ; vous n’y trouverez que de l’égoïſme, de la cruauté, de la débauche & l’impiété la mieux ſoutenue. La ſoumiſſion la plus entiere eſt donc votre ſeul lot ; jettez vos regards ſur l’aſyle impénétrable où vous êtes, jamais aucun mortel ne parut dans ces lieux ; le Couvent ſerait pris,