Aller au contenu

Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 189 )


fouillé, brûlé, que cette retraite ne s’en découvrirait pas davantage : c’eſt un pavillon iſolé, enterré, que ſix murs d’une incroyable épaiſſeur environnent de toutes parts, & vous y êtes, ma fille, au milieu de quatre libertins, qui n’ont ſûrement pas envie de vous épargner & que vos inſtances, vos larmes, vos propos, vos génuflexions ou vos cris n’enflammeront que davantage. À qui donc aurez-vous recours ? Sera-ce à ce Dieu que vous veniez implorer avec tant de zèle, & qui pour vous récompenſer de cette ferveur, ne vous précipite qu’un peu plus ſûrement dans le piége ? À ce Dieu chimérique que nous outrageons nous-mêmes ici chaque jour en inſultant à ſes vaines loix ?… Vous le concevez donc, Théreſe, il n’eſt aucun pouvoir, de quelque nature que vous puiſſiez le ſuppoſer, qui puiſſe parvenir à vous arracher de nos mains, & il n’y a ni dans la claſſe des choſes poſſibles, ni dans celle des miracles, aucune ſorte de moyen qui puiſſe réuſſir à vous faire conſerver plus longtemps cette vertu dont vous êtes ſi fiere ; qui puiſſe enfin vous empêcher de devenir dans tous les ſens, & de toutes les manieres, la proie des excès libidineux auxquels nous allons nous abandonner tous les quatre avec vous… Deshabille-toi donc, Catin, offre ton corps à nos luxures, qu’il en ſoit ſouillé dans l’inſtant, ou les traitemens les plus cruels vont te prouver les riſques qu’une miſérable comme toi court à nous déſobéir.

N 3