Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/198

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Ce diſcours… cet ordre terrible ne me laiſſait plus de reſſources, je le ſentais, mais n’euſſé-je pas été coupable de ne pas employer celle que m’indiquait mon cœur, & que me laiſſait encore ma ſituation ; je me jette donc aux pieds de Dom Sévérino, j’employe toute l’éloquence d’une ame au déſeſpoir, pour le ſupplier de ne pas abuſer de mon état ; les pleurs les plus amers viennent inonder les genoux, & tout ce que j’imagine de plus fort, tout ce que je crois de plus pathétique, j’oſe l’eſſayer avec cet homme… À quoi tout cela ſervait-il, grand Dieu ! devais-je ignorer que les larmes ont un attrait de plus aux yeux du libertin ? devais-je douter que tout ce que j’entreprenais pour fléchir ces barbares, ne devait réuſſir qu’à les enflammer… Prenez cette g…, dit Sévérino en fureur, ſaiſiſſez-la, Clément, qu’elle ſoit nue dans une minute, & qu’elle apprenne que ce n’eſt pas chez des gens comme nous, que la compaſſion étouffe la Nature, Clément écumait, mes réſiſtances l’avaient animé, il me ſaiſit d’un bras ſec & nerveux entremêlant ſes propos & ſes actions de blaſphêmes effroyables, en une minute, il fait ſauter mes vêtemens. — Voilà une belle créature, dit le Supérieur en promenant ſes doigts ſur mes reins, que Dieu m’écraſe ſi j’en vis jamais une mieux faite : amis, pourſuit ce Moine, mettons de l’ordre à nos procédés ; vous connaiſſez nos formules de réception, qu’elle les ſubiſſe tou-