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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/201

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autant qu’il a de forces : rien n’eſt exempt de ſa férocité ; depuis le milieu des reins juſques aux gras de jambes, tout eſt parcouru par ce traître ; oſant mêler l’amour à ces momens cruels, ſa bouche ſe colle ſur la mienne & veut reſpirer les ſoupirs que les douleurs m’arrachent… Mes larmes coulent, il les dévore, tour-à-tour il baiſe, menace, mais il continue de frapper ; pendant qu’il opere, une des femmes l’excite ; à genoux devant lui, de chacune de ſes mains elle y travaille diverſement ; mieux elle y réuſſit, plus les coups qui m’atteignent ont de violence ; je ſuis prête à être déchirée que rien n’annonce encore la fin de mes maux : on a beau s’épuiſer de toutes parts, il eſt nul ; cette fin que j’attends ne ſera l’ouvrage que de ſon délire ; une nouvelle cruauté le décide : ma gorge eſt à la merci de ce brutal, elle l’irrite, il y porte les dents, l’antropophage la mord, cet excès détermine la criſe, l’encens s’échappe. Des cris affreux, d’effroyables blaſphèmes en ont caractériſé les élans, & le Moine énervé m’abandonne à Jérôme.

Je ne ſerai pas pour votre vertu plus dangereux que Clément, me dit ce libertin en careſſant l’autel enſanglanté où vient de ſacrifier ce Moine, mais je veux baiſer ces ſillons ; je ſuis ſi digne de les entr’ouvrir auſſi, que je leur dois un peu d’honneur ; je veux bien plus, continua ce vieux ſatyre en introduiſant un de ſes doigts où Sévérino