moins périlleux peut-être ſerait, je l’avoue, de
trouver dans nos ſouterrains la bouche du boyau
qui y rend ; mais comment parvenir dans ces ſouterrains,
perpétuellement enfermées comme nous
le ſommes ; y fût-on même, cette ouverture ne ſe
trouverait pas encore, elle rend dans un coin
perdu, ignoré de nous & barricadé lui-même de
grilles dont eux ſeuls ont la clef. Cependant tous
ces inconvéniens ſe trouvaſſent-ils vaincus, fût-on
dans le boyau, la route n’en ſerait pas encore plus
ſûre pour nous ; elle eſt garnie de piéges qu’eux
ſeuls connaiſſent, & où ſe prendraient inévitablement
les perſonnes qui voudraient la parcourir
ſans eux. Il faut donc renoncer à l’évaſion, elle eſt
impoſſible, Théreſe ; crois que ſi elle était praticable,
il y a long-temps que j’aurais fui ce déteſtable
ſéjour, mais cela ne ſe peut. Ceux qui y
ſont n’en ſortent jamais qu’à la mort ; & delà naît
cette impudence, cette cruauté, cette tyrannie
dont ces ſcélérats uſent avec nous ; rien ne les
embrâſe, rien ne leur monte l’imagination comme
l’impunité que leur promet cette inabordable retraite ;
certains de n’avoir jamais pour témoins de
leurs excès que les victimes mêmes qui les aſſouviſſent,
bien ſûrs que jamais leurs écarts ne ſeront
révélés, ils les portent aux plus odieuſes extrémités ;
délivrés du frein des loix, ayant briſé
ceux de la religion, méconnaiſſant ceux des remords,
il n’eſt aucune atrocité qu’ils ne ſe per-
Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/217
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 209 )