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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/226

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tées en raiſon du devoir de leur chambre. Ils ne peuvent ni les changer dans le cours du mois, ni leur faire faire deux mois de ſuite ; rien n’eſt cruel, rien n’eſt dur comme les corvées de ce ſervice, & je ne ſais comment tu t’y feras. Auſſitôt que cinq heures du ſoir ſonnent, la fille de garde deſcend près du Moine qu’elle ſert, & elle ne le quitte plus juſqu’au lendemain, à l’heure où il repaſſe au Couvent. Elle le reprend dès qu’il revient ; ce peu d’heures s’emploie par elle à manger & à ſe repoſer, car il faut qu’elle veille pendant les nuits qu’elle paſſe auprès de ſon maître ; je te le répète, cette malheureuſe eſt là pour ſervir de plaſtron à tous les caprices qui peuvent paſſer par la tête de ce libertin ; ſoufflets, fuſtigations, mauvais propos, jouiſſances, il faut qu’elle endure tout ; elle doit être debout toute la nuit dans la chambre de ſon patron & toujours prête à s’offrir aux paſſions qui peuvent agiter ce tyran ; mais la plus cruelle, la plus ignominieuſe de ces ſervitudes, eſt la terrible obligation où elle eſt de préſenter ſa bouche ou ſa gorge à l’un & l’autre beſoin de ce monſtre ; il ne ſe ſert jamais d’aucun autre vaſe ; il faut qu’elle reçoive tout, & la plus légère répugnance eſt auſſitôt punie des tourmens les plus barbares. Dans toutes les ſcènes de luxure ce ſont ces files qui aident aux plaiſirs, qui les ſoignent, & qui approprient tout ce qui a pu être ſouillé : un Moine l’eſt-il en venant de