Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/233

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tres mauſſades & fantaſques qu’ils gardaient un grand nombre d’années : il eſt donc inutile de preſcrire à nos arrivantes un genre quelconque de conduite ; la fantaiſie de ces monſtres briſe tous les freins, & devient l’unique loi de leurs actions.

Lorſque l’on doit être réformée, on en eſt prévenue le matin, jamais plutôt, le régent de jour paraît à neuf heures comme à l’ordinaire, & il dit, je le ſuppoſe : Omphale, le Couvent vous réforme, je viendrai vous prendre ce ſoir. Puis il continue ſa beſogne. Mais à l’examen vous ne vous offrez plus à lui, enſuite il ſort ; la réformée embraſſe ſes compagnes, elle leur promet mille & mille fois de les ſervir, de porter des plaintes, d’ébruiter ce qui ſe paſſe, l’heure ſonne, le Moine paraît, la fille part, & l’on n’entend plus parler d’elle. Cependant le ſouper a lieu comme à l’ordinaire, les ſeules remarques que nous ayions faites ces jours-là, c’eſt que les Moines arrivent rarement aux derniers épiſodes du plaiſir, on dirait qu’ils ſe ménagent, cependant ils boivent beaucoup plus, quelquefois même juſqu’à l’ivreſſe ; ils nous renvoyent de bien meilleure heure, il ne reſte aucune femme à coucher, & les filles de garde ſe retirent au ſérail. — Bon, bon, dis-je à ma compagne, ſi perſonne ne vous a ſervies, c’eſt que vous n’avez eu affaire qu’à des créatures faibles, intimidées, ou à des enfans qui n’ont rien oſé pour vous. Je ne crains point qu’on