Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/255

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le maître ? Il y a l’intolérance la plus ſtupide & la plus barbare à vouloir ſévir contre un tel homme ; il n’eſt pas plus coupable envers la ſociété, quels que ſoient ſes égaremens, que ne l’eſt, comme je viens de le dire, celui qui ſerait venu au monde borgne ou boiteux ! Et il eſt auſſi injuſte de punir ou de ſe moquer de celui-ci, qu’il le ſerait d’affliger l’autre ou de le perſiffler. L’homme doué de goûts ſinguliers eſt un malade, c’eſt ſi vous le voulez une femme à vapeurs hiſtériques. Nous eſt-il jamais venu dans l’idée de punir ou de contrarier l’un ou l’autre ; ſoyons également juſtes pour l’homme dont les caprices nous ſurprennent ; parfaitement ſemblable au malade ou à la vaporeuſe, il eſt comme eux à plaindre & non pas à blâmer ; telle eſt au moral l’excuſe des gens dont il s’agit ; on la trouverait au phyſique avec la même facilité ſans doute, & quand l’anatomie ſera perfectionnée on démontrera facilement par elle, le rapport de l’organiſation de l’homme, aux goûts qui l’auront affecté. Pédans, bourreaux, guichetiers, légiſlateurs, racaille tonſurée, que ferez-vous quand nous en ſerons là ? Que deviendront vos loix, votre morale, votre religion, vos potences, votre paradis, vos Dieux, votre enfer, quand il ſera démontré que tel ou tel cours de liqueurs, telle ſorte de fibres, tel degré d’âcreté dans le ſang ou dans les eſprits animaux ſuffiſent à faire d’un homme l’objet de