Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/271

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eſcamotent, s’ils le peuvent ; autant de nouvelles recrues qui ſuppoſent toujours des réformes.

Elle arriva cette fameuſe fête… pourrez-vous croire, Madame, à quelle impiété monſtrueuſe ſe porterent les Moines à cet événement ! Ils imaginerent qu’un miracle viſible doublerait l’éclat de leur réputation ; en conſéquence ils revêtirent Florette, la plus jeune des filles, de tous les ornemens de la Vierge ; par des cordons qui ne ſe voyaient pas, ils la lierent au mur de la niche, & lui ordonnerent de lever tout-à-coup les bras avec componction vers le Ciel, quand on y éleverait l’hoſtie. Comme cette petite créature était menacée des plus cruels châtimens, ſi elle venait à dire un ſeul mot, ou à manquer ſon rôle, elle s’en tira à merveille, & la fraude eut tout le ſuccès qu’on pouvait en attendre. Le peuple cria au miracle, laiſſa de riches offrandes à la Vierge, & s’en retourna plus convaincu que jamais de l’efficacité des grâces de cette mere céleſte. Nos libertins voulurent, pour doubler leurs impiétés, que Florette parût aux orgies du ſoir dans les mêmes vêtemens qui lui avaient attiré tant d’hommages, & chacun d’eux enflamma ſes odieux déſirs à la ſoumettre, ſous ce coſtume, à l’irrégularité de ſes caprices. Irrités de ce premier crime les ſacriléges ne s’en tiennent point là : ils font mettre nue cet enfant, ils la couchent à plat-ventre ſur une grande table ; ils