Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/272

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allument des cierges, ils placent l’image de notre Sauveur au milieu des reins de la jeune fille & oſent conſommer ſur ſes feſſes le plus redoutable de nos myſteres. Je m’évanouis à ce ſpectacle horrible, il me fut impoſſible de le ſoutenir. Sévérino me voyant en cet état, dit que pour m’y apprivoiſer il fallait que je ſerviſſe d’autel à mon tour. On me ſaiſit ; on me place au même lieu que Florette ; le ſacrifice ſe conſomme, & l’hoſtie… ce ſymbole ſacré de notre auguſte Religion… Sévérino s’en ſaiſit, il l’enfonce au local obſcène de ſes ſodomites jouiſſances… la foule avec injure… la preſſe avec ignominie ſous les coups redoublés de ſon dard monſtrueux, & lance, en blaſphémant, ſur le corps même de ſon Sauveur, les flots impurs du torrent de ſa lubricité… !

On me retira ſans mouvement de ſes mains ; il fallut me porter dans ma chambre où je pleurai huit jours de ſuite le crime horrible auquel j’avais ſervi malgré moi. Ce ſouvenir briſe encore mon ame, je n’y penſe pas ſans frémir… La Religion eſt en moi l’effet du ſentiment, tout ce qui l’offenſe, ou l’outrage fait jaillir le ſang de mon cœur.

L’époque du renouvellement du mois allait arriver, lorſque Sévérino entre un matin, vers les neuf heures, dans notre chambre ; il paraiſſait très-enflammé ; une ſorte d’égarement ſe peignait

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