Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/273

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dans ſes yeux ; il nous examine, nous place tour-à-tour dans ſon attitude chérie, & s’arrête particulierement à Omphale ; il reſte pluſieurs minutes à la contempler dans cette poſture, il s’excite ſourdement, il baiſe ce qu’on lui préſente, fait voir qu’il eſt en état de conſommer, & ne conſomme rien ; la faiſant enſuite relever, il lance ſur elle des regards où ſe peignent la rage & la méchanceté ; puis lui appliquant à tour de reins un vigoureux coup de pied dans le bas-ventre, il l’envoie tomber à vingt pas de là. — La ſociété te réforme, Catin, lui-dit-il, elle eſt laſſe de toi, ſois prête à l’entrée de la nuit, je viendrai te chercher moi-même, & il ſort.

Dès qu’il eſt parti, Omphale ſe releve, elle ſe jette en pleurs dans mes bras, — eh, bien ! me dit-elle, à l’infamie, à la cruauté des préliminaires, peux-tu t’aveugler encore ſur les ſuites ? Que vais-je devenir, grand Dieu ! — Tranquilliſe-toi, dis-je à cette malheureuſe, je ſuis maintenant décidée à tout ; je n’attends que l’occaſion ; peut-être ſe préſentera-t-elle plutôt que tu ne penſes ; je divulguerai ces horreurs ; s’il eſt vrai que leurs procédés ſoient auſſi cruels que nous avons lieu de le croire, tâche d’obtenir quelques délais, & je t’arracherai de leurs mains. Dans le cas où Omphale ſerait relâchée, elle jura de même de me ſervir, & nous pleurâmes toutes deux. La journée ſe paſſa ſans événemens ; vers les cinq

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