Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/278

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& dans l’inſtant les attraits de la jeune fille paraiſſent à nos yeux ſans voile. Il n’y eut jamais ſans doute une peau plus blanche, jamais des formes plus heureuſes… Dieu, quel crime !… Tant de beautés, tant de fraîcheur, tant d’innocence & de délicateſſe devaient-elles devenir la proie de ces barbares ! Octavie honteuſe ne ſçait où fuir pour dérober ſes charmes, par-tout elle ne trouve que des yeux qui les dévorent, que des mains brutales qui les ſouillent ; le cercle ſe forme autour d’elle, & ainſi que je l’avais fait, elle le parcourt en tous les ſens ; le brutal Antonin n’a pas la force de réſiſter ; un cruel attentat détermine l’hommage, & l’encens fume aux pieds du Dieu. Jérôme la compare à notre jeune camarade de ſeize ans, la plus-jolie du ſérail ſans doute ; il place auprès l’un de l’autre les deux autels de ſon culte. — Ah ! que de blancheur & de graces, dit-il, en touchant Octavie, mais que : de gentilleſſe & de fraîcheur ſe trouvent également dans celle-ci : en vérité pourſuit le Moine en feu, je ſuis incertain : puis imprimant ſa bouche ſur les attraits que ſes yeux confrontent, Octavie, s’écrie-t-il, tu auras la pomme ; il ne tient qu’à toi, donne-moi le fruit précieux de cet arbre adoré de mon cœur… Oh ! oui, oui, donne-m’en l’une ou l’autre, & j’aſſure à jamais le prix de la beauté à qui m’aura ſervi plutôt ; Sévérino voit qu’il eſt temps de ſonger à des choſes plus