Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/284

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crainte de quelques recherches ultérieures, on pouvait la ſubir au bout de huit jours, comme au bout de vingt ans. Il n’y avait pas quatre mois qu’Octavie était avec nous quand Jérôme vint lui annoncer ſon départ ; quoique ce fût lui, qui eût le plus joui d’elle pendant ſon ſéjour au Couvent, qui eût paru la chérir, & la rechercher davantage, la pauvre enfant partit, nous faiſant les mêmes promeſſes qu’Omphale ; elle les tint tout auſſi peu.

Je ne m’occupai plus dès-lors, que du projet que j’avais conçu depuis le départ d’Omphale ; décidée à tout pour fuir ce repaire ſauvage, rien ne m’effraya pour y réuſſir. Que pouvais-je appréhender en exécutant ce deſſein ? La mort ! De quoi étais-je ſûre en reſtant ? De la mort. Et en réuſſiſſant, je me ſauvais ; il n’y avait donc point à balancer, mais il fallait avant cette entrepriſe que les funeſtes exemples du vice récompenſé, ſe réproduiſiſſent encore ſous mes yeux ; il était écrit ſur le grand livre des deſtins, ſur ce livre obſcur dont nul mortel n’a l’intelligence, il y était gravé, dis-je, que tous ceux qui m’avaient tourmentée, humiliée, tenue dans les fers, recevraient ſans ceſſe à mes regards le prix de leurs forfaits, comme ſi la Providence eût pris à tâche de me montrer l’inutilité de la vertu… Funeſtes leçons qui ne me corrigerent pourtant point, &