quement avec ſes mignons, me laiſſant mettre
ordre à tout comme je le voudrai. Telle eſt la
fatale indifférence qui caractériſe, mieux que
tout, l’ame d’un véritable libertin : n’eſt-il emporté
que par la fougue des paſſions, le remords
ſera peint ſur ſon viſage, quand il verra dans
l’état du calme les funeſtes effets du délire : ſon
ame eſt-elle entierement corrompue, de telles
ſuites ne l’effrayeront point ; il les obſervera ſans
peine comme ſans regret, peut-être même encore
avec quelques émotions des voluptés infâmes
qui les produiſirent.
Je fis coucher Madame de Gernande. Elle avait, à ce qu’elle me dit, perdu beaucoup plus cette fois-ci qu’à l’ordinaire ; mais tant de ſoins, tant de reſtaurans lui furent prodigués, qu’il n’y paraiſſait plus le ſurlendemain. Le même ſoir, dès que je n’eus plus rien à faire auprès de la Comteſſe, Gernande me fit dire de venir lui parler : il ſoupait ; à ce repas fait par lui avec bien plus d’intempérance encore que le dîner, il fallait que je le ſerviſſe : quatre de ſes mignons ſe mettaient à table avec lui, & là, régulierement tous les ſoirs, le libertin buvait juſqu’à l’ivreſſe ; mais vingt bouteilles des plus excellens vins ſuffiſaient à peine pour y réuſſir, & je lui en ai ſouvent vu vider trente. Soutenu par ſes mignons, le débauché allait enſuite ſe mettre au lit chaque ſoir avec deux d’entre eux. Mais il