Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/325

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nande était près de dix minutes dans le délire, en ſe débattant comme un homme qui tombe d’épilepſie, & pouſſant des cris qui ſe ſeraient entendus d’une lieue : ſes juremens étaient exceſſifs, & frappant tout ce qui l’entourait, il faiſait des efforts effrayans. Les deux mignons ſont culbutés, il veut ſe précipiter ſur ſa femme, je le contiens : j’acheve de le pomper, le beſoin qu’il a de moi fait qu’il me reſpecte ; je le mets enfin à la raiſon, en le dégageant de ce fluide embrâſé, dont la chaleur, dont l’épaiſſeur, & ſur-tout l’abondance, le mettent en un tel état de frénéſie, que je croyais qu’il allait expirer ; ſept ou huit cuillers euſſent à peine contenu la doſe, & la plus épaiſſe bouillie en peindrait mal la conſiſtance ; avec cela point d’érection, l’apparence même de l’épuiſement : voilà de ces contrariétés qu’expliqueront mieux que moi les gens de l’art. Le Comte mangeait exceſſivement, & ne diſſipait ainſi que chaque fois qu’il ſaignait ſa femme, c’eſt-à-dire, tous les quatre jours. Était-ce là la cauſe de ce phénomene ? Je l’ignore, & n’oſant pas rendre raiſon de ce que je n’entends pas, je me contenterai de dire ce que j’ai vu.

Cependant je vole à la Comteſſe, j’étanche ſon ſang, je la délie & la poſe ſur un canapé dans un grand état de faibleſſe ; mais le Comte, ſans s’en inquiéter, ſans daigner jetter même un regard ſur cette malheureuſe victime de ſa rage, ſort bruſ-