Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/334

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qui vaut quelquefois la mort à la mere, & preſque toujours à l’enfant, m’offrira-t-elle des femmes plus heureuſes ? Dans d’autre Isles découvertes par ce même marin, je les vois battues, vexées par leurs propres enfans, & le mari lui-même ſe joindre à ſa famille pour les tourmenter avec plus de rigueur.

Oh ! Théreſe ! ne t’étonne point de tout cela, ne te ſurprends pas davantage du droit général qu’eurent, de tous les temps, les époux ſur leurs femmes : plus les Peuples ſont rapprochés de la Nature, mieux ils en ſuivent les loix ; la femme ne peut avoir avec ſon mari d’autres rapports que celui de l’eſclave avec ſon maître ; elle n’a décidément aucun droit pour prétendre à des titres plus chers. Il ne faut pas confondre avec des droits, de ridicules abus qui, dégradant notre ſexe, éleverent un inſtant le vôtre ; il faut rechercher la cauſe de ces abus, la dire, & n’en revenir que plus conſtamment après, aux ſages conſeils de la raiſon. Or la voici, Théreſe, cette cauſe du reſpect momentané qu’obtint autrefois votre ſexe, & qui abuſe encore aujourd’hui, ſans qu’ils s’en doutent, ceux qui prolongent ce reſpect.

Dans les Gaules jadis, c’eſt-à-dire, dans cette ſeule partie du Monde qui ne traitait pas totalement les femmes en eſclaves, elles étaient dans l’uſage de prophétiſer, de dire la bonne-aventure : le Peuple s’imagina qu’elles ne réuſſiſſaient à ce