Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/350

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Toulouſe, d’Aix & de Marſeille : ce commerce dont j’ai deux tiers de bénéfice, me dédommage amplement de ce que les ſujets me coûtent, & je ſatisfais ainſi deux de mes plus cheres paſſions, & ma luxure, & ma cupidité ; mais les découvertes, les ſéductions me donnent de la peine. D’ailleurs l’eſpece de ſujets importe infiniment à ma lubricité : je veux qu’ils ſoient tous pris dans ces aſyles de la miſere, où le beſoin de vivre & l’impoſſibilité d’y réuſſir abſorbant le courage, la fierté, la délicateſſe, énervant l’ame enfin, décide, dans l’eſpoir d’une ſubſiſtance indiſpenſable, à tout ce qui paraît devoir l’aſſurer. Je fais impitoyablement fouiller tous ces réduits : on n’imagine pas ce qu’ils me rendent ; je vais plus loin, Théreſe : l’activité, l’induſtrie, un peu d’aiſance, en luttant contre mes ſubornations, me raviraient une grande partie des ſujets : j’oppoſe à ces écueils le crédit dont je jouis dans cette ville, j’excite des oſcillations dans le commerce, ou des chertés dans les vivres, qui, multipliant les claſſes du pauvre, lui enlevant d’un côté les moyens du travail, & lui rendant difficile de l’autre ceux de la vie, augmentent en raiſon égale la ſomme des ſujets que la miſere me livre. La ruſe eſt connue, Théreſe : ces diſettes de bois, de bled, & d’autres comeſtibles, dont Paris a frémi tant d’années, n’avaient d’autres objets que ceux qui m’animent ; l’avarice, le libertinage, voilà les paſſions qui,