ſieur, que je vous ai ſauvé la vie ; qu’un inſtant
ému par la reconnoiſſance, vous ſemblates m’offrir
le bonheur, & que c’eſt en me précipitant dans
un abîme éternel de maux que vous acquittez mes
ſervices. Ce que vous faites eſt-il juſte, & le remords
ne vient-il pas déjà me venger au fond de
votre cœur ? — Qu’entends-tu, je te prie, par ce
ſentiment de reconnaiſſance dont tu t’imagines
m’avoir captivé, dit Roland ? Raiſonne mieux,
chetive créature ; que faiſais-tu quand tu vins à
mon ſecours ? Entre la poſſibilité de ſuivre ton
chemin & celle de venir à moi, n’as-tu pas
choiſi le dernier comme un mouvement inſpiré
par ton cœur ? Tu te livrais donc à une jouiſſance ?
Par où diable prétends-tu que je ſois
obligé de te récompenſer des plaiſirs que tu te
donnes ? Et comment te vint-il jamais dans l’eſprit,
qu’un homme qui, comme moi, nage dans
l’or & dans l’opulence, daigne s’abaiſſer à devoir
quelque choſe à une miſérable de ton eſpece ?
M’euſſes-tu rendu la vie, je ne te devrais
rien, dès que tu n’as agi que pour toi : au
travail, eſclave, au travail ; apprends que la
civiliſation, en bouleverſant les principes de la
Nature, ne lui enleve pourtant point ſes droits ;
elle créa dans l’origine des êtres forts & des êtres
faibles, avec l’intention que ceux-ci fuſſent
toujours ſubordonnés aux autres ; l’adreſſe, l’intelligence
de l’homme varierent la poſition des
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